Vu et analysé par Kristine Skamanga & François Guibbaud
C’est un film sorti en 1993, écrit et réalisé par Nicole Garcia. Avec Gérard Lanvin (ennéatype 8), Bernard Giraudeau (ennéatype 7) et Jean-Marc Barr
(ennéatype 3) dans les rôles principaux des 3 frères.
Nicole Garcia s’intéresse ici aux mystères de l’âme masculine. Dans « Le Fils préféré », il est question de quatre hommes, trois frères et leur père; que Nicole Garcia décrit en profondeur, avec leurs ambitions, leurs énergies, mais aussi leurs parts d’ombres et leurs faiblesses.
L’histoire du film met en scène l’histoire de Jean-Paul, directeur d’un hôtel sur la Côte d’Azur (joué par Gérard Lanvin) qui est confronté à des problèmes d’argent. Il s’occupe de son vieux père à l’hôpital. Au fur et à mesure, on réalise qu’il traîne dans diverses magouilles (utilisation du chéquier de l’hôtel à des fins personnels, obtention d’un permis de construire d’une discothèque en bord de mer en soudoyant les notables etc). Il va même jusqu’à contracter une fausse assurance vie sur le dos de son père, pour pouvoir rembourser ses dettes.
Pourquoi est-il important de voir ce film ? Il met en scène la construction dans l’enfance des hommes Ennéatypes 8, 7 et 3, et leurs relations à leur Père.
Nicole Garcia a parfaitement saisi et mis en scène la quintessence de chacun de ces 3 ennéatypes dans leur version masculine (8, 7 et 3). Par ailleurs, le film décrit très bien comment les hommes 8, 7 et 3 se sont construit, enfant, face à leur père. Et quels genres de relations ces 3 ennéatypes entretiennent vis à vis de ce dernier, une fois arrivé à l’âge adulte.
Pour aller plus loin
L’homme Ennéatype 8
Les affaires de Jean-Paul (Gérard Lanvin) vont mal. On apprend qu’il n’est que le gérant de l’hôtel qu’il dirige. Très tôt dans le film, un expert comptable (joué Philippe Duclos en ennéatype 1) procède à un audit des comptes, afin d’établir un bilan pour le groupe à qui l’hôtel appartient. L’ami comptable, qui jusque là, masquait tant bien que mal les nombreuses irrégularités est en panique, craignant que les malversations soient mises à jour. Jean-Paul lui ne semble pas inquiet, certain qu’une fois de plus, il s’en sortira sans encombres. Pendant ce temps, le dentiste véreux (Pierre Mondy) auprès de qui Jean-Paul a contracté une dette importante (pour financer en partie la construction d’une boîte de nuit en bord mer) réclame son argent.
Le film décrit très bien la tentation de l’ennéatype 8 : l’excès et son désir de possession, dans ses affaires et avec les femmes. Il enchaîne les relations, (a-t-il couché avec la femme de son frère ?). On sent chez lui une réelle puissance physique, une énergie très instinctive: qui agit, avant de réfléchir !
Raphaël, le père des 3 frères (joué par Roberto Herlitzka, sans doute en base 8) est un ancien boxeur. Jean-Paul est le seul parmi ses frères à s’occuper de lui (on comprendra vers la fin pourquoi les deux autres frères ont pris leurs distances).
A mesure que l’histoire progresse, le film prend toute sa mesure lorsque Jean-Paul découvre que celui qu’il croyait être son père ne l’est pas. Raphaël avait recueilli Jean Paul (âgé de quelques mois lorsque son vrai père meurt); il l’élèvera comme un fils, jusqu’à en faire son fils préféré.
La figure paternelle symbolise l’autorité, le tuteur, le cadre. L’ennéatype 8 se positionne très tôt en devenant le père du père. Très vite il rompt avec la figure paternelle, il fait sa propre loi pour ainsi dire. Il existe par lui-même.
Si son père est réellement mort (physiquement), l’homme 8 devient celui qui protège et prend soin de toute la famille, de la fratrie ou du clan. Et quand bien même le père est vivant, il devient aussi le père du père ! C’est ce que Gérard Lanvin (Jean Paul) fait ici, en protégeant et en prenant soin de son père.
Il se joue symboliquement dans la construction de l’ennéatype 8, un mécanisme inconscient de « prendre la place du père » – « de « tuer » le père ».
Ce qu’il va « presque » faire, en l’emmenant intentionnellement sur le ponton dangereux de son chantier, où Raphaël manque de se tuer. Il tombe, appelle au secours, Jean-Paul ne bronche pas… Un intense échange de regards fait sentir au père que le fils était prêt à le laisser se noyer. Au dernier moment le fils change d’avis !
L’homme Ennéatype 7
Il considère son père sans grande valeur. Francis, l’aîné de la fratrie (joué par Bernard Giraudeau) est enseignant dans l’éducation nationale. Et par ailleurs homosexuel. Il se fout de tout, profite de la vie, change de partenaires sexuels tout le temps. Il n’en fait qu’à sa tête, tout tourne autour du plaisir, du sexe. N’oublions pas que l’ennéatype 7 est l’épicurien par excellence de l’Ennéagramme.
Son père Raphaël a contraint Francis – alors adolescent – à grandir selon une certaine « norme ». Et ça, c’est un grand « Non » pour l’ennéatype 7. Francis se rebelle contre l’autorité du père. Il veut être libre, faire ce qu’il lui plaît. Très tôt, il coupera les ponts avec son père. Trente ans plus tard, la rancœur du fils contre le père est toujours aussi grande.
Pour lui son père est un « vieux con », et il le dit !
La figure paternelle n’a pas grande valeur aux yeux de l’ennéatype 7. Cette figure est vécue comme une contrainte, le père comme un « rabat-joie » qui l’empêche de vivre et profiter des plaisirs de la vie.
L’homme Ennéatype 3
Il attend (inconsciemment) d’être vu et reconnu par son père. Philippe, joué par Jean Marc Barr est le benjamin de la fratrie, C’est un homme d’affaires avisé, fortuné, qui vit en Italie. Il a totalement coupé les ponts avec sa famille. Très jeune, Philippe était en compétition avec son frère aîné Jean-Paul (le « fils préféré »).
En compétition, pour être admiré par son père. C’est de cette manière que se construit l’homme ennéatype 3. Son désir inconscient est d’être « enfin » vu et reconnu par lui.
Rappelons que l’ennéatype 3 a perçu sa valeur à travers ses accomplissements / sa réussite et son image de battant, et non pas pour qui il était.
Son père ne lui a pas (ou peu) accordé d’importance, ou si il l’a fait, c’est davantage par rapport à ses réussites.
Philippe est un travailleur, il brille : belle situation, belle femme, belle montre, belle gueule ! Mais il semble anesthésié de son affect.
Pour « réussir » sa vie, l’homme en base 3 va s’appuyer sur sa mère, et si la mère est décédée, alors il s’appuiera sur sa/ses femme(s). Pourtant, on voit qu’a 40 ans passés, il rêve encore la nuit de sa mère morte. Et lorsque sa femme le quitte, son monde s’écroule, c’est l’échec : ce que redoute le plus l’ennéatype 3.